Cette semaine, je vous emmène visiter une manufacture Française emblématique, l’entreprise Bohin. L’une des dernières en France à perpétuer un savoir-faire unique, celui de la fabrication des aiguilles à coudre, épingles en tout genre et agrafes de confection. Direction la Normandie, dans un petit village de l’Orne, qu’on avait l’habitude de surnommer Bohinville.
C’est dans un village de 1600 habitants – Saint-Sulpice-sur-Risle – situé près de l’Aigle, que je vous invite à découvrir une entreprise qui perpétue l’un de nos derniers savoir-faire, celui de la fabrication des aiguilles et des épingles pour la couture. Une entreprise unique car il n’en existe pas deux comme elle en France. Une entreprise d’un autre temps ou les machines s’alignent comme le fil dans un aiguille. Où les artisans mettent des années parfois à apprendre leur métier. Où les employés se sont mobilisés pour sauver leur entreprise.
Les grands bâtiments s’étalent le long de la rivière. D’aspect, ils semblent aussi vieux que leurs machines. Et pour cause, certains sont même classés Monuments Historiques ! Il faut dire que l’entreprise Bohin a été fondée il y a près de 2 siècles et que cette manufacture industrielle perpétue un savoir-faire unique en France. Plusieurs dizaines de millions d’épingles et aiguilles sortent de cette usine chaque année.
Partons ensemble à la découverte de ce Dernier des Mohicans, de ce Phoenix du Pays d’Ouche, seul et unique exemple d’un savoir-faire industriel oublié. Une entreprise aujourd’hui labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant » et qui fait partie du réseau “Entreprise & Découverte“.
Mais c’est quoi cette histoire !
Le Pays d’Ouche, le berceau des épingles
Depuis des centaines d’années, le Pays d’Ouche est reconnu pour avoir un sol riche en minerai de fer. De quoi obtenir une matière première foisonnante qui se prête à la création de nombreuses manufactures. Au 18e siècle, en pleine industrialisation, il y a 450 épingleries et 6000 personnes qui travaillent dans ce secteur très porteur. La commune de l’Aigle est d’ailleurs qualifiée de « capitale historique française de la fabrication des épingles puis des aiguilles“. Certains écrits racontent même que Louis XIV et l’Empereur Napoléon Ier ont fait le déplacement jusqu’à l’Aigle pour découvrir la production.
Ces petits objets, que toutes les ménagères de l’époque ont dans leur boite à couture, se vendent partout …. même en Amérique. Les américaines, férues de patchwork, sont sous le charme de ces petites aiguilles françaises qu’elles utilisent quotidiennement.
Benjamin Bohin, le visionnaire
Tout commence en 1833 lorsque le petit Benjamin Bohin, 11 ans – fils de fabricant d’objets en fer et boîtes en bois – rêve de reprendre l’entreprise familiale. Il le fera à 17 ans et débutera plus tard la production en série des aiguilles. En quelques années, il triple la production et crée de nouveaux objets comme les boîtes protectrices à distribution d’aiguilles ou l’épingle de sûreté.
Bohin, c’est 600 aiguillers et épingliers qui travaillent assis derrière leurs machines. L’entreprise est le symbole du travail à la chaine de la grande époque industrielle. D’ailleurs, Adam Smith, le célèbre économiste écossais, s’inspire d’une manufacture d’épingle de l’Aigle pour élaborer sa théorie de la division du travail.
En 1873, Benjamin Bohin passe le flambeau à Paul, son fils. L’entreprise produit alors 400 millions d’aiguilles et 3 milliards d’épingles par an. A la fin du 20e siècle, après 5 générations de Bohin successives, la manufacture se retrouve en liquidation judiciaire.
Le renouveau de l’entreprise
En 1997, un homme, Didier Vrac, alors directeur commercial de Bohin, apprend que la manufacture est en faillite. Il décide alors de la reprendre. Pour cela, il ferme le siège social parisien et regroupe les troupes à Saint-Sulpice-sur-Risle. Il bénéficie de la dynamique du marché de la broderie, du patchwork et de la couture. Et si les 600 salariés des belles années ne sont plus là, Bohin fabrique toujours avec un effectif de 40 personnes.
Depuis 2017, c’est Audrey Regnier qui en est propriétaire, secondée par son mari Fabien. Aujourd’hui, les objets produits s’exportent dans plus de 33 pays à travers le monde, et notamment aux États-Unis où les petites aiguilles sont très prisées.
Visite des ateliers Bohin
La rencontre avec Bernadette, Ginette ou Paulette est très surprenante. Ces vieilles dames, dont certaines ont plus de 200 ans, tronçonnent, percent ou liment les fils d’acier. Les petites aiguilles se transforment sous nos yeux sur une cadence millimétrée.
De la bobine de fil d’acier carbone à la mise en pochette de l’aiguille, il ne faut pas moins de 27 étapes et 2 mois de travail pour obtenir ce petit objet qui semble si anodin. A peine croyable non ? Il en faut huit pour transformer la matière première, onze pour donner sa qualité à l’aiguille et encore huit autres pour contrôler à la main et l’emballer.
En fonction des jours de production, vous pouvez découvrir la fabrication d’aiguilles artisanales, épingles, épingles à tête de verre de Murano, épingles fourche, épingles de sureté à boules, bracelets pelote ou encore agrafes de confection. Bohin référence 110 types d’aiguilles et 120 types d’épingles. Et chaque pays à sa préférence : aiguilles pour patchwork, aiguilles pour broder ou aiguilles pour coudre.
Ces articles devraient aussi vous plaire : - Visite de la fonderie de cloches Cornille Havard - Les plus beaux endroits du Nord Cotentin - Traverser la Baie du Mont-Saint-Michel à pied - L'Ile Tatihou, une île (presque) fantastique
Comment aller à Saint-Sulpice-sur-Risle ?
Informations complémentaires
La visite est très intéressante et instructive. Vous pouvez la faire en famille sans problème. Dans ce cas, je vous conseille de télécharger un petit livret qui occupera vos enfants durant la visite. C’est très ludique et ça leur permet d’apprendre l’histoire de l’entreprise tout en suivant la visite. Deux livrets (un pour les 6-8 ans et un pour les 9-12 ans) sont à télécharger ici. Vous trouverez également sur ce même lien les tarifs et les dates d’ouverture.
“Entreprise du Patrimoine Vivant” est une marque mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels. Le label est attribué pour une période de 5 ans. La marque a été créée en 2005. Pour bénéficier du label, les entreprises doivent répondre à différents critères de patrimoine économique, de maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité, d’ancrage géographique ancien ou d’une grande notoriété. Près de 1 400 entreprises ont été labellisées à ce jour.
“Entreprise & Découverte” est l’association nationale de la visite d’entreprise, qui a pour objet la valorisation et la promotion de la filière visite d’entreprise (ou tourisme de savoir-faire). Elle référence plus de 2000 entreprises ouvertes toute l’année au grand public.
Pour découvrir d’autres belles choses à faire dans l’Orne, n’hésitez pas à aller consulter le site internet d’Orne Tourisme.
La Manufacture Bohin 1, Le Bourg 61300 Saint-Sulpice-sur-Risle
Perpétuons nos savoir-faire !