Tailleur de pierre, un savoir-faire ancestral au service du patrimoine

Alors que l’artisanat d’art manque cruellement de nouvelles recrues, Hugues de Bazelaire nous parle de son métier et de sa passion.

J’ai eu la chance de pouvoir interviewer Hugues de Bazelaire dont le métier est de restaurer les monuments historiques. Il est tailleur de pierre, sculpteur, conservateur et restaurateur de sculptures, historien des techniques, égyptologue, passionné d’histoire et d’architecture, professeur et conférencier. Plusieurs fois récompensé pour son travail, il a aussi publié de nombreux articles dans des revues spécialisées. 
Hugues a certainement dû vivre plusieurs vies pour réaliser tout ce qu’il a fait depuis près de 70 ans.

Bonjour Hugues, tout d’abord parlez-nous un peu de vous.
Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Je suis issue d’une famille d’artistes et de passionnés. Mes ancêtres étaient écrivains, peintres, sculpteurs, architectes. Des passions qui les ont poussés à voyager, à s’intéresser à plusieurs domaines artistiques, à créer, et à transmettre leurs récits. C’est Léonie de Bazelaire – journaliste, peintre et grande voyageuse, qui a fortement inspiré mon choix de carrière. C’est grâce à ses récits de voyage sur l’Égypte, la Palestine ou encore l’Italie que j’ai eu envie de découvrir ces pays. 

Ce sont toutes ces inspirations qui m’ont poussé à choisir un métier lié à l’histoire et aux monuments historiques. Mon rêve a toujours été de contribuer à leur restauration afin qu’ils puissent traverser les âges et être admirés par les futures générations. Cela m’a permis de beaucoup voyager (au Yemen ou encore au Caire) et de travailler sur des monuments culturels emblématiques de ces pays, comme par exemple l’une des mosquées proches de Sanaa.

Taille d’une gargouille

Quelles formations avez-vous suivies ?

J’ai débuté par un CAP de maçon. Puis je me suis très vite spécialisé dans le métier de tailleur de pierre et sculpteur pour les monuments historiques. Puis j’ai enchainé par une formation à l’école du Louvre. Par la suite, j’ai intégré l’IFROA (l’Institut Français de Restauration des Œuvres d’Art), devenu depuis l’Institut National du Patrimoine (INP). 

Ce métier est un métier extraordinaire. Nous contribuons à la restauration ou la reconstruction de nos monuments historiques grâce à des gestes qui existent depuis l’antiquité romaine. Bien-sûr, les techniques évoluent mais le savoir-faire reste le même. 

Copie en pierre d’une statue de Saint Joseph

Quels sont les ouvrages dont vous êtes le plus fier ?

Chaque ouvrage est particulièrement important car il permet de transmettre une histoire. J’ai la chance de travailler pour le Louvre. Dans ce cadre, j’ai eu la responsabilité de déplacer des grandes portes sculptées qui étaient dans le département des sculptures.

La première est celle du Grand Consistoire du Capitole de Toulouse formée de 93 pierres en calcaire entièrement sculptées. Elle avait été commandée par les capitouls en 1552.


L’autre est celle du Palais Stanga de Crémone (Italie) qui comporte 260 morceaux en marbre. Cette porte ornée de figures d’Hercule et de Persée date de 1480. Elle est aujourd’hui l’une des pièces maîtresses de la salle Michel-Ange. Elle sert de toile de fond aux esclaves de Michel-Ange.

Je suis aussi consulté par les archéologues du château de Versailles. Je participe aux fouilles pour identifier les morceaux de marbres, d’où ils viennent, quelles étaient leur fonction, quel étaient leur usage, et les dater. 

J’ai d’ailleurs participé aux fouilles organisées sur l’ancien château de Noisy le Roi (dans les Yvelines) construit vers 1590 et détruit en 1732. Le chef de projet, l’archéologue Bruno Bentz, avait organisé la mise au jour d’une grotte artificielle qui servait de pavillon de jardin semi-enterré au riche italien Alberto Gondi, maréchal de France, et à ses invités de marque (le roi Henri III notamment). Nous y avons trouvé de très nombreux éléments de décors sculptés (rocailles, coquillages, céramique, plâtres peints et dorés) provenant d’Italie et inédits en France pour l’époque.

Nous avons extrait de cette « grotte » un demi-dôme qui pesait 650 kilos et qui était tapissé de petits coquillages (voir photo). Ce demi-dôme est actuellement en réserve pour restauration au musée de la renaissance à Ecouen. Il a été très compliqué à manipuler et à restaurer. 

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Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent faire ce métier ?

Ce métier est un métier-passion. Donc, je dirai qu’il faut d’abord être passionné par la restauration des monuments anciens. C’est un métier manuel qui demande de la minutie et de la patience mais le résultat est visible et très satisfaisant.

Ensuite, il faut faire de nombreux stages pour se confronter au réel. Il ne faut pas hésiter à aller sur le terrain pour travailler sur beaucoup de projets. Les stages sont très importants dans l’apprentissages du savoir-faire, des techniques, des gestes. J’accueille d’ailleurs moi-même des personnes qui souhaitent faire des stages et je les emmène avec moi sur mes projets afin de leur transmettre mon savoir. 

Et enfin, il faut se former toute sa vie. La restauration de monuments prend plusieurs formes car les monuments, styles, matériaux sont très différents. Il ne faut pas hésiter à élargir son champ de compétences en intégrant des formations continues dans des écoles reconnues afin de peaufiner ses techniques. 

Le métier de restaurateur-tailleur de pierre est un métier noble dont nous avons besoin pour maintenir en l’état notre merveilleux patrimoine.  Ce qui est arrivé à la cathédrale Notre-Dame de Paris est une catastrophe. D’ailleurs, le savoir-faire du tailleur de pierre est indispensable pour restaurer ce patrimoine. Ce sera l’un des savoir-faire pivot dans sa reconstruction. 


Hugues de Bazelaire est un ancien élève de l’Ecole du Louvre. Il est membre de l’Académie des Sciences Morales, des Lettres et des Arts de Versailles et d’Ile-de-France. Il est historien des Arts et des Techniques. Hugues donne également des cours du soir de modelage à Viroflay.

Les photos de cet article ont été fournies par Hugues de Bazelaire

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