Pour ce deuxième article consacré à la Tapisserie d’Aubusson, je vous propose de découvrir la Cité Internationale de la Tapisserie. Savez-vous que ce savoir-faire est inscrit au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité par l’UNESCO ? Et c’est aujourd’hui un véritable porte-étendard, catalyseur d’une puissante création artistique contemporaine et multiforme. Un savant mélange d’artisanat et d’art déco. Allez venez, je vous emmène à Aubusson dans la Creuse pour une visite haute en (fils) de couleur !
Aubusson est une petite ville située à mi-chemin entre Clermont-Ferrand et Limoges, qui a pour particularité d’héberger un savoir-faire internationalement reconnu, celui de la Tapisserie. Et à Aubusson, l’histoire de la Tapisserie s’inscrit partout. Que ce soit à la Cité Internationale de la Tapisserie – résolument tournée vers l’avenir – ou à l’atelier-Musée des Cartons de Tapisserie – qui présente l’envers du décors, Aubusson sait faire vivre son patrimoine.
Et comme un seul article ne suffisait pas à vous présenter ce savoir-faire mondialement reconnu, je vous propose de découvrir ce patrimoine en deux temps. Après vous avoir présenté le magnifique Atelier-Musée des Cartons de Tapisserie, direction la Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson pour cette deuxième partie.
Mais c’est quoi cette histoire de Tapisserie d’Aubusson ?
La Tapisserie d’Aubusson est un savoir-faire vieux de 600 ans qui a su traverser toutes les époques et suivre toutes les tendances. Elle a cependant connu des périodes prospères et d’autres plus compliquées.
Une concurrence en provenance des Flandres
Au moyen-âge, la tapisserie est surtout un art réputé dans les Flandres. Il se développe à Aubusson suite à l’arrivée de certains tapissiers flamands (dans le sillage de Marie de Hainaut des Flandres qui s’est mariée avec Louis Ier de Bourbon). Ils y trouvent un cours d’eau acide, idéal pour travailler la laine, la dégraisser et la teindre. Les drapiers, qui étaient installés à Aubusson, se tournent petit à petit vers la tapisserie et les ateliers familiaux se développent.
Les premières tapisseries représentent des scènes bibliques, des scènes de chasse ou des « verdures ». Les Tapisseries d’Aubusson étaient reconnues pour ces scènes végétales dans lesquelles, parfois, des animaux imaginaires ou réels se positionnaient au milieu de feuilles et d’arbustes touffus. On parle alors de décors « millefleurs » ou de « feuilles de choux ». L’idée est de prolonger les jardins à l’intérieur.
La création des manufactures royales en France
Pour favoriser la production française, Henri IV (en 1601) décide de limiter les importations. Plus tard, Colbert, alors ministre de Louis XIV, crée 4 grandes manufactures : celle des Gobelins (en 1663), celle de Beauvais (en 1664), celle d’Aubusson (en 1665) et celle de Felletin (à la fin du 17e siècle).
La révocation de l’édit de Nantes voit les protestants quitter la France. Et comme Aubusson est largement protestant, le savoir-faire se perd.
Le renouveau de la Tapisserie à l’époque contemporaine
Cette époque est une renaissance pour la tapisserie d’Aubusson. L’arrivée de Joseph Dumons « peintre du Roi » contribue à moderniser les œuvres tissées. Les peintres-cartonniers reproduisent dorénavant des tableaux (ceux de Boucher, Watteau, Oudry ou Huet), les décors sont plus gais et colorés. Les tapisseries se déclinent en tapis au point noué ou en tapis ras.
Au 20e siècle, Jean Lurçat apporte quant à lui, une modernité aux décors tissés et relance l’engouement pour les tapisseries d’Aubusson.
La Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson
Le bâtiment plante le décor : la Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson est résolument moderne. La façade aux rayures très colorées rappelle l’outil de travail des Lissiers : le métier à tisser. Ici, rien de ringard ou de vieillot. La Tapisserie s’inscrit dans les tendances actuelles. D’ailleurs, il faut voir les tentures consacrées au Seigneur des Anneaux ou celle représentant une scène de Princesse Mononoké qui touchent un public jeune et averti pour s’en rendre compte. De nouveaux ensembles qui vous emmènent dans un univers fantastique, non sans rappeler les univers des tentures d’autrefois.
Les fabuleux mondes imaginaires de Miyazaki
La tapisserie est gigantesque. Cinq mètres de haut sur 4,60 m de large. Superbement mise en valeur sur tout un pan de mur, elle vous embarque dans une forêt profonde ou les cèdres d’un vert éclatant s’étalent à l’infini. Au premier plan, un jeune garçon plonge son bras dans l’eau pour soulager sa blessure. L’ambiance est mystérieuse, la lumière puissante, les perspectives impressionnantes. On pourrait passer des heures à la regarder. Il y a d’ailleurs un banc installé juste devant.
Les suivantes sont déjà en cours de tissage. Il s’agit d’une scène du “Voyage de Chihiro” et de deux scènes issues du « Château Ambulant ». La dernière tapisserie de Miyazaki représentera “Nausicaä de la vallée du vent“. La sélection des images, toutes puissantes et colorées, est basée sur l’esthétisme mais aussi sur la « tissabilité » des scènes représentées.
Les tentures seront exposées ici, à la Cité Internationale de la Tapisserie, mais parcourront aussi le monde pour faire rayonner ce savoir-faire. Il se dit même qu’elles iront jusqu’au Japon !
L’envers du décor
Il aura fallu dix mois à l’Atelier Guillot pour réaliser cette tapisserie intitulée “Ashitaka soulage sa blessure démoniaque“. Une « tombée de métier » très attendue, et beaucoup plus rapide qu’espérée. Imaginez un peu ! 120 kg de laines ont été nécessaires pour réaliser les 23 m2 tissés par petit touche colorée à 6 mains (Patrick le père, Marie la mère et Luc, leur fils).
Dans l’atelier installé dans les étages de la Cité Internationale de la Tapisserie, la famille s’attèle à la tâche. 7 jours sur 7, et parfois jusqu’à 10 heures par jour. Le silence est quasi religieux. Chacun est très concentré sur sa partie du métier à tisser et entrelace sans s’arrêter les longs fils de laine. Leur travail est hypnotisant et tellement rapide qu’on a du mal à suivre les mouvements des doigts!
Les œuvres de Tolkien
Sur le même principe que Miyazaki, la Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson avait débuté en 2016 une tenture issue de 5 romans de J. R. R. Tolkien : Le Seigneur des Anneaux, Bilbo le Hobbit, Le Simarillion, Les Lettres du Père Noël, et Roverandom.
Les tapisseries sont basées sur un ensemble d’aquarelles et dessins originaux du célèbre auteur dont la plupart ne mesurent que 20 cm de côté, et qu’il a donc fallu agrandir pour en faire des tapisseries monumentales. Douze de ces œuvres sont déjà exposées dans la Cité Internationale de la Tapisserie.
Commencée en 2016, la série comprend 14 tapisseries et 2 tapis. L’ensemble des tapisseries est aujourd’hui exposée à Aubusson dans un espace dédié jusqu’en septembre 2024. Une première au monde !
Hommage à George Sand
La cité internationale a vu grand. Très grand même ! 23m x 2,20m pour être plus précis, soit une surface totale de 50m2. Une tapisserie XXL en “Hommage à George Sand” est en train d’être tissée par Françoise Petrovitch dans son atelier. Elle en aura pour 2,5 ans. Cette commande s’inscrit dans la volonté de rendre accessible à tous l’univers de la tapisserie en créant de nouvelles oeuvres contemporaines. Mais aussi de renouer les liens qui unissaient la romancière à la Creuse et à l’Indre (elle vivait au château de Nohant et venait souvent au château de Boussac).
Cette oeuvre autoportante, unique en son genre, sera donc terminée en juin 2026. Son originalité repose sur le fait qu’elle ne sera pas accrochée à un mur mais présentée au visiteur comme une grande vague qui ondule. Cette tapisserie s’inscrit dans la lignée des aventures tissées de Tolkien et de Miyazaki.
Et si je veux passer un week-end sympa sur place
Je vous recommande de séjourner dans l’un des appart-hôtel « Les Maisons du Pont ». Ces appartements sont situés dans le quartier de la Terrade, au bord de la Creuse.
Vous pouvez y déjeuner ou diner dans leur bistrot gourmand, dans leur café-cantine et prendre votre petit-déjeuner directement dans votre appartement (il y a un service de livraison de panier petit-déjeuner). Et il y a même un SPA privé avec sauna et hammam.
Dans une toute autre ambiance – plus campagnarde celle-ci – Cécile vous accueille chaleureusement dans sa superbe chambre d’hôtes située à 7 km d’Aubusson, “La Maison d’Hôtes Ourdeaux“. Vous pourrez vous détendre dans cette grande demeure, assis dans un transat ou allongé un hamac dans leur grand jardin ou profiter de leur piscine extérieure.
A faire le temps d’un week-end
- Visiter l’Atelier-Musée des Cartons de Tapisserie
- Découvrir la « Maison de la Tapisserie » située au 1er étage de l’Office du Tourisme
- Grimper jusqu’à la Tour de l’Horloge qui vous offre une jolie vue sur l’ensemble d’Aubusson.
- Découvrir la “Vallée des Peintres” autour de Crozant.
- Faire un road-trip de 3 jours à travers les jolis villages de la Creuse.
Je veux bien y aller, mais c’est où Aubusson ?
Informations Complémentaires
La Cité Internationale de la Tapisserie Rue des Arts, 23200 Aubusson. Tel : 05 55 66 66 66 Ouvert tous les jours, sauf le mardi. Entre 9h30-12h et 14h-18h. En juillet et Aout : 10h - 18h et mardi : 14h – 18h. Fermeture annuelle : Du 03 janvier au 18 janvier 2022 inclus. Entrée : 8 euros. Gratuit pour les -18 ans.
Pour préparer votre séjour, vous pouvez consulter le site de Creuse Tourisme.
Perpétuons nos savoir-faire !