Le Moyen Âge a laissé bien plus que des châteaux et des traditions : il a également enrichi la langue française. De nombreuses expressions courantes françaises trouvent leurs racines dans cette époque moyenâgeuse, entre vie quotidienne, justice et croyances. Je vous propose de découvrir ensemble dix expressions héritées du Moyen Age et leur origine, tout en explorant leur lien avec le patrimoine historique et linguistique français.
1. Être sur la sellette
Vous l’utilisez pour : dire que quelqu’un est exposé à un jugement ou à une critique.
Mais au Moyen Âge ?
Lors d’un procès, l’accusé était placé sur une « sellette », un tabouret en bois très bas et inconfortable, taillé pour humilier l’accusé face à ses juges. Cette position symbolisait l’humiliation et la pression exercée par la justice.
Et aujourd’hui : Des lieux comme la Conciergerie à Paris ou le Palais de Justice de Rouen rappellent ces anciennes pratiques. Être sur la sellette, c’était bien plus qu’une simple expression, c’était une épreuve publique !
2. Avoir un nom à coucher dehors
Vous l’utilisez pour : parler d’un nom difficile à prononcer, à retenir, ou qui prête à confusion.
Mais au Moyen Âge ?
À l’époque médiévale, les noms avaient une importance capitale. Dans les auberges, les aubergistes jugeaient parfois leurs clients en fonction de leur nom de famille. Les noms nobles ou respectés ouvraient les portes des meilleures chambres, tandis que les noms obscurs ou peu flatteurs pouvaient valoir un refus pur et simple. Résultat ? Certaines personnes, à cause de leur nom, étaient contraintes de « coucher dehors ».
Et aujourd’hui : Certains noms de villages français, comme « Montcuq » ou « Trécon », pourraient aussi bien être qualifiés de « noms à coucher dehors ». Une belle anecdote pour vos prochaines conversations !
3. Faire bonne chère
Vous l’utilisez pour : parler d’un repas copieux et convivial.
Mais au Moyen Âge ?
« Chère » signifiait visage. Faire bonne chère, c’était accueillir quelqu’un chaleureusement, souvent avec un repas généreux. Dans une époque marquée par la disette, un banquet était un symbole de partage et de prospérité.
Et aujourd’hui : Les fêtes médiévales, comme celles de Provins, mettent en scène des banquets où l’on « fait bonne chère », rappelant cet héritage culinaire et social.
4. Être sur le qui-vive
Vous l’utilisez pour : signifier une vigilance constante.
Mais au Moyen Âge ?
Les sentinelles des villages fortifiés et des châteaux lançaient « Qui vive ? » (qui va là ?) pour identifier les intrus. Leur rôle était essentiel à la sécurité collective.
Et aujourd’hui : Des lieux comme Carcassonne ou Colmars-les-Alpes conservent encore leurs tours de guet et chemins de ronde. Marcher sur leurs pas, c’est revivre cette organisation défensive médiévale.
5. Faire ripaille
Vous l’utilisez pour : décrire un festin extravagant.
Mais au Moyen Âge ?
Au château de Ripaille, en Savoie, les banquets somptueux étaient légendaires. Viandes, vins, gibiers… tout y passait dans une ambiance festive. D’ailleurs, dans son poème intitulé Épitre au bord du lac de Genève, Voltaire reproche à Amédée VIII (premier duc de Savoie et futur pape) d’avoir mené à Ripaille une vie de plaisirs et de débauche.
Et aujourd’hui : Le château de Ripaille existe toujours et propose même des dégustations de vin. Une belle façon de perpétuer cet héritage de la « ripaille » !
6. Être armé jusqu’aux dents
Vous l’utilisez pour : parler d’une préparation extrême.
Mais au Moyen Âge ?
Les chevaliers portaient des armures couvrant leur corps de la tête aux pieds, dents comprises. Cela symbolisait leur puissance et leur préparation totale au combat.
Et aujourd’hui : Le Château de Castelnaud expose des armures impressionnantes. Elles témoignent de cet héritage militaire où la moindre pièce d’équipement avait son importance.
7. Toucher du bois
Vous l’utilisez pour : conjurer le mauvais sort.
Mais au Moyen Âge ?
Toucher une croix ou un objet en bois était un geste de foi destiné à invoquer la protection divine. Le bois, omniprésent dans la vie quotidienne, portait une symbolique spirituelle.
Et aujourd’hui : Les croix rurales, visibles principalement adossées aux murs des dépendances dans les hameaux ruraux, rappellent cette croyance. Toucher du bois est aujourd’hui un geste superstitieux universel.
8. Passer à la trappe
Vous l’utilisez pour : désigner quelque chose ou quelqu’un que l’on oublie ou abandonne.
Mais au Moyen Âge ?
Le mot Trappe est employé dès la fin du 12e siècle pour désigner un piège, un trou camouflé par des branchages. D’abord utilisé dans le langage de la chasse (qui a donné le mot trappeur), le sens s’étend dès le 13e siècle aux ouvertures des châteaux qui servaient à piéger des ennemis ou à se débarrasser discrètement des prisonniers. Les trappes menaient souvent aux oubliettes, sombres cavités où les captifs disparaissaient.
Et aujourd’hui : Le Château de Pierrefonds (Oise) possède encore des trappes bien visibles. Leur simple vue suffit à comprendre pourquoi cette expression a traversé les siècles.
9. Mettre sa main au feu
Vous l’utilisez pour : affirmer quelque chose avec certitude.
Mais au Moyen Âge ?
Les « jugements de Dieu » ou ordalies impliquaient des épreuves de feu pour prouver l’innocence d’un accusé. Tenir une barre de fer brûlante ou plonger la main dans l’eau bouillante était censé révéler la vérité divine.
Et aujourd’hui : Ces pratiques brutales sont évoquées dans des musées comme celui de Cluny. Aujourd’hui, heureusement, mettre sa main au feu n’a plus rien de brûlant !
10. Manger à la bonne franquette
Vous l’utilisez pour : décrire un repas simple et convivial.
Mais au Moyen Âge ?
Le mot « franquet » signifiait simple ou sans artifice. Les repas paysans étaient modestes mais chaleureux, souvent pris sur le pouce.
Et aujourd’hui : Les écomusées, comme celui d’Alsace, célèbrent ces traditions rurales où convivialité et simplicité étaient au cœur des repas.
Ces expressions françaises héritées du Moyen Age montrent à quel point notre langue est un trésor vivant de notre patrimoine culturel et historique. En les utilisant, nous perpétuons les traditions, les coutumes et les croyances d’une époque lointaine. Alors, la prochaine fois que vous « faites ripaille » ou que vous êtes « sur la sellette », souvenez-vous : chaque mot a une histoire !
1 comment
Bravo Mme de Lincourt,
Article super bien écrit qui nous donne envie d’ aller voir (depuis la Belgique)!
Merci 😁👍